
Présentation :
Après Adrien Ménager et son interview du 30 juillet 2012, voici une nouvelle interview avec un représentant du Loiret, Bruno Bini.
Bruno qui a désormais 58 ans est depuis 2007, Sélectionneur de l'équipe de France Féminine de Football.
Natif d'Orléans, Bruno a fait une carrière de footballeur de 1972 à 1981 en passant par le Tours FC et l'AS Nancy L avant de commencer sa carrière de sélectionneur d'équipes féminines (-16 ; -18 ; -19 ; A).
Interview :
Bonjour Bruno,
Je tiens à te féliciter pour ton travail ces dernières années.
Grâce à ta persévérance et au travail des filles que tu as sélectionnées depuis ta prise de fonction avec les A, on note une franche progression dans les résultats et un engouement pour le football féminin qui se développe.
Comment expliques-tu une si belle réussite ?
Par le travail essentiellement. Nous travaillons beaucoup pour faire progresser les joueuses. Rien ne se fait en un jour et le résultat est toujours le fruit d'un travail de fond. Mais il faut féliciter avant tout les joueuses qui réalisent de bonnes prestations et font aimer le football féminin un peu partout en France.
Commençons par le début, comment es-tu arrivé à la tête de la Sélection Nationale ?
C'est un long cheminement. Après avoir été joueur, en terminant à Orléans, je suis devenu entraîneur adjoint des Moins de 20 ans féminines tout en étant également à la tête de la sélection des Moins de 16 ans. Ensuite, j'ai été sélectionneur des Moins de 18 ans puis des Moins de 19 ans avec qui j'ai remporté le titre européen en 2003. Après une parenthèse de quatre années en me consacrant à ma fonction de CTR de la Ligue de Méditerranée, je suis revenu « en sélection ». En 2007, une nouvelle orientation a été donnée et j'ai été nommé à la tête de l'Equipe de France.
Il y avait une certaine logique après être passé par toutes les sélections de jeunes féminines.
Qu'est-ce que le football féminin représente pour toi ?
Forcément une grande partie de ma vie. Il y a beaucoup de plaisir à diriger une équipe féminine car les joueuses sont réceptives, à l'écoute avec une constante envie de progresser. Je me suis régalé à diriger des garçons en remportant des titres avec les sélections 14 ans et seniors de la Ligue de Méditerranée, mais j'ai trouvé une forme d'accomplissement auprès des sélections féminines. Mon mode de fonctionnement semble adapté à leur façon d'aborder le football.
Depuis ta prise de fonction en 2007 on sent une évolution dans ce football. Tu as été champion d'Europe en 2003 avec les -19 ans, avec les A tu restes sur deux 4ème places, en Coupe du Monde 2011 et aux JO de Londres 2012. Comment analyses-tu ces deux parcours et que manque-t-il à ton équipe pour être sur le podium, voire de gagner un titre dans un tournoi majeur ?
On est resté au pied du podium à deux reprises consécutives. Même si aux JO, nous méritions de remporter la demi-finale et le match de classement, la réalité a montré qu'il nous manquait encore un petit quelque chose pour franchir ce palier. C'est le palier le plus difficile. Ce petit plus, nous nous devons de l'acquérir pour aller plus haut. Cela demande beaucoup de travail et un peu de chance aussi. Elle compte dans n'importe quelle compétition.
La prochaine compétition est l'Euro 2013 qui aura lieu du 10 au 28 juillet prochain. La France vient de faire un match nul 3-3 contre l'Allemagne, quel est l'objectif de la sélection française ?
L'objectif est clair. Nous sommes positionnés au 5ème rang FIFA et au 2ème rang UEFA et il nous faudra atteindre le dernier carré. Ensuite, tout sera possible. Il ne suffit pas de dire que nous faisons partie des favoris. On sait que tout se jouera sur des détails et que d'autres nations ont les mêmes ambitions. L'Allemagne est, du fait de son rang, l'une des grandes favorites de l'Euro qu'elle a gagné à sept reprises dont les cinq dernières éditions ! La Suède sera difficile à battre devant son public et il y aura sans doute une équipe surprise qui se révèlera durant l'Euro. On souhaite faire partie du quatuor final. Ensuite, on verra bien...
Vu de l'extérieur, des autres pays, quelle image possède l'équipe de France Féminine ?
Je vais vous raconter une anecdote. L'une des meilleures joueuses du monde, la Brésilienne Marta, a dit que nous pratiquons le meilleur football et de nombreux observateurs de la FIFA et de l'UEFA sont de son avis. Globalement, nous avons une bonne image car nous pratiquons un beau football.
Un journaliste du JDD a signalé un malaise dans ta sélection suite à des propos de Sonia Bompastor qui n'est plus sélectionnée, je ne vais pas entrer plus dans les détails. La question que je me pose est, penses-tu que cette histoire pourrait nuire aux objectifs et résultats pendant l'Euro 2013?
Je ne souhaite pas revenir sur les dires de ce journaliste. J'ai et beaucoup de joueuses ont démenti ce qui était écrit. La polémique ne m'intéresse pas. Ce serait une erreur de perdre de l'énergie dans de vaines polémiques. Et ce serait grave si cela pouvait nuire à nos objectifs. Chacun et chacune, heureusement, sait faire la part des choses et notre objectif ne change pas. Aujourd'hui, nous sommes un peu plus connus et reconnus et la critique est présente. C'est la règle du jeu.
Il y a quelques semaines je faisais une interview avec ton collègue Charly Simo, Sélectionneur de l'équipe de France de Cécifoot où je lui disais qu'au même titre qu'au football féminin la médiatisation n'était pas assez présente dans son sport. Il me répondit que les résultats allaient faire venir les médias. Aujourd'hui le fait que l'on parle de « ton management » dans les médias me fait quelque peu mentir, la médiatisation est à double tranchant. Comment perçois-tu la médiatisation du football féminin dans les mois à venir ?
On parle effectivement souvent de mon management car je persiste à penser que le projet de vie est la base de tout. Les médias s'en sont emparés en déformant parfois les choses. Mais j'aimerai aussi que l'on parle du jeu de temps en temps. Dans les prochains mois, avec l'échéance européenne qui approche, les médias parleront sans doute un peu plus du jeu.
Bruno, j'ai lu que tu étais un amoureux des poèmes et des arts en globalité et que cela faisait partie du projet équipe de France. Comment cela s'exprime-t-il dans ton groupe ?
Cela s'exprime essentiellement dans les causeries d'avant-match. Après avoir vu les aspects tactiques et techniques de notre jeu et celui de notre adversaire, j'aime bien glisser quelques poèmes ou chansons dans la dernière causerie. Ce sont des éléments de motivation pour le match à venir.
Tout à l'heure je te parlais de la réussite du football féminin. Aujourd'hui on note un intéressement des français pour ce sport suite à tes résultats mais également aux résultats de l'Olympique Lyonnais, des U17 championne du Monde, des jeunes talentueuses notamment la montpelliéraine Claire Lavogez. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
Si l'on intéresse de plus en plus les gens, c'est parce que le jeu pratiqué plait de plus en plus. Il n'y a pas de hasard. Le passage difficile des garçons il y a quelque temps nous a aussi (hélas) profité mais si cela avait été la seule raison, il n'y aurait pas eu de suite. L'attrait du public ne se dément pas et on est maintenant reconnus à part entière grâce aux efforts de tous.
Aujourd'hui la France a la chance d'avoir un championnat assez relevé. Outre l'OL double vainqueur de la Ligue des champions et qui domine le championnat depuis 2007, il y a d'autres concurrents comme Juvisy, Montpellier et Paris. Comment analyses-tu ce championnat ?
Il faut de plus en plus d'équipes compétitives. Avant, il n'y avait que Lyon. Aujourd'hui, il y a Paris qui a un projet ambitieux et d'autres équipes qui sont toujours compétitives comme Juvisy et Montpellier. Il faut encore d'autres formations capables de bouleverser la hiérarchie. C'est comme cela que le championnat progressera. Pour l'instant, il est toujours à deux vitesses, mais des efforts sont faits pour trouver un nouvel équilibre.
De plus, le PSG peut-il se développer et dominer le championnat au même titre que chez les garçons ?
Bien sûr ! Si le PSG met beaucoup de moyens au service de ses ambitions, il y a des chances de voir le club au sommet du championnat. Ca peut prendre du temps comme aller très vite. Mais Lyon ne se laissera pas devancer sans réagir.
Quelles footballeuses t'impressionnent le plus que ce soit en France et /ou à l'étranger ?
Pour ma part j'aime beaucoup l'américaine Alex Morgan et les milieux françaises Camille Abily et Louisa Nécib.
Celles qui m'impressionnent le plus en France sont celles que je choisis dans ma liste. A l'étranger, il y a beaucoup de bonnes joueuses. Je pense notamment à Marta mais il y en a beaucoup d'autres. D'une manière générale, je ne porte pas de jugement sur les joueuses étrangères. J'ai déjà assez à faire avec nos Françaises.
Nous arrivons bientôt à la fin de notre entrevue, quelles sont tes pires et tes meilleurs souvenirs dans le football ?
Malheureusement, les pires souvenirs sont récents avec les deux derniers matches perdus aux JO. On méritait de passer mais le sort n'en a pas voulu ainsi. Les bons souvenirs ? Il y en a beaucoup. Peut-être le quart de finale du Mondial 2011 avec la prolongation et les tirs au but. Il y a tout eu dans ce match qui a constitué un déclic pour le football féminin dans son ensemble.
Pour finir, si tu devais faire de la promo pour que les fans de football viennent voir/découvrir le football féminin, que dirais-tu ?
Venez nous voir, tout simplement. Venez-vous faire une opinion sans préjugé. Et surtout ne faîtes pas de comparaison avec les garçons. Notre football est différent et il n'y a pas lieu de comparer.
Bruno, je te remercie de m'avoir accordé cette interview, je te souhaite de soulever le trophée de l'Euro 2013 le 28 juillet prochain et je te dis à bientôt sur Orléans.

Interview de Charly Simo : http://blogde2foot.skyrock.com/3140838614-Pause-Interview-avec-Charly-Simo-Selectionneur-de-l-equipe-de-France.html
Interview d'Adrien Ménager : http://blogde2foot.skyrock.com/3103258567-Pause-Interview-avec-Adrien-Menager-joueur-de-Ligue-2-a-Chateauroux.html
Stéphane Poignard
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